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Palais des Congrès | Porte Maillot | Paris - France
du 26 au 30 avril 2010
VII Congrès de l’Association Mondiale de Psychanalyse
Semblants et Sinthome
VII Congrès de l’Association Mondiale de Psychanalyse
 
Editorial - Les failles de la terre et du ciel : conséquences pour la cure
Éric Laurent
 

Nous connaissons donc depuis hier le thème du Congrès 2012 : « L’ordre symbolique au XXIème siècle », complété par un sous-titre décisif , « Il n’est plus ce qu’il était. Quelles conséquences pour la cure ? ». Pour le titre, nous le connaissons le jour même où deux ruptures dans l’aléthosphère font voir la fragilité de l’ordre du siècle. La première rupture est due à un volcan Islandais qui porte un nom très difficile à déchiffrer et à prononcer pour les ignorants des langues nordiques. Ce n’est pas du gallois mais c’est tout de même dur. Le volcan est en irruption pour la première fois depuis 1823 et toute l’Europe est bouleversée dans son trafic aérien. Les messages échangés habituellement en mauvais américain entre tour de contrôle et pilotes sont réduits au silence. Autre rupture, celle-là due aux mesures d’austérité. Le Président Obama a décidé la fin d’un programme spatial. Fin officielle du programme Constellation vaguement compensée par les espoirs d’aller polluer la planète Mars, peut-être aux calendes grecques, dans un partenariat public-privé bien sûr. D’ici là les sondes parleront entre elles. Il reste la voix d’Obama pour essayer d’extraire l’Amérique de la dépression. Nous sommes sensibles à tout moment aux disruptions de l’ordre symbolique qui nous entoure, surtout si nous nous rappelons qu’il n’y a pas eu de telle altération de l’espace aérien, de tel vidage du ciel, depuis le 11 septembre 2001. Dans ces failles, voilà l’avion révélé comme déchet.

Les huit éditoriaux précédents présentaient l’articulation du nouveau désordre symbolique avec des manifestations cliniques inédites. Une dimension sinthômatique se manifeste qui ne rentre pas facilement dans les petites cases des discours établis et ne se prête pas plus au remède proposé pour remédier à l’insuffisance des discours : le chiffrage. L’ordre du discours est marqué d’une faille, c’est ce qui, selon la psychanalyse, ne cesse de s’écrire. C’est pourquoi, comme l’a montré Jacques Alain Miller dans sa « fantaisie » lors du congrès de l’AMP à Comandatuba en 2004, la civilisation qui est la nôtre consonne avec le discours analytique. Faille dans l’ordre naturel de la nature ou faille dans les impasses de la civilisation, le discours psychanalytique aborde l’ordre symbolique par son défaut que même la poésie ne peut rémunérer. La psychanalyse est comme le Taoïsme face à l’ordre pédagogique du Confucianisme : elle fait le pari du sans modèle, du vide. « L’Homme prend pour modèle la terre, la terre prend pour modèle le ciel, le ciel prend pour modèle le tao, le tao prend pour modèle ce qui est tel par soi même », comme l’on traduit ce dit attribué à Lao Tseu dans le Tao-Te-king. Comme le dit François Cheng, le Tao « se dévoile tout aussi bien, sinon davantage, dans ce qui se devine, dans ce qui affleure au creux des interstices ». La visite proposée durant notre Congrès, de l’exposition qui vient d’ouvrir au Grand Palais sur « La voie du Tao, un autre chemin de l’être », nous le rappellera. C’est en Chine justement que la loi des hommes est en train de réaliser une atteinte très remarquable à la paix des semblants qui régissent le monde. Il ne s’agit pas d’une atteinte de plus aux droits de l’homme dont le régime est coutumier. Il s’agit de la mise au jour chaque fois plus patente de l’atteinte à la loi biologique du sex-ratio qui semble garantir l’ordre de la jouissance et faire en sorte qu’il y ait « à chacun sa chacune et à Lacan sa lacune » comme le disait le proverbe normalien des années soixante. La Chine est « le pays le plus masculin du monde » et 24 millions d’hommes en âge de se marier pourraient ne pas trouver d’épouse. La combinaison du patriarcat traditionnel et de la politique de l’enfant unique que les autorités imposent aux populations, a fabriqué une impasse terrible.

Devant la faute des semblants qui se radicalise, un double désir se fait jour, selon la loi d’airain du Surmoi. D’un côté un appel sécuritaire envahissant et la mise en place d’une société de surveillance avec son panoptique fou. De l’autre la fascination pour se vivre comme une machine enfin délivrée des semblants. Une logique implacable va de « l’acéphale » de Bataille à l’homme neuronal de Changeux. Ce sont des étapes, dans la mise au point à l’aide du discours de la science, de l’homme « libéré ». Dans ce fantasme masculin, quelle place pour une femme ? Bataille répond que le lien social n’est pas fondé sur le meurtre du père comme le croyait Freud mais sur le meurtre d’une femme. Il rêve d’une société secrète qui répéterait le geste. Lacan pense à l’opposé que c’est la femme qui est fatale et que le discours analytique permet qu’elle ne soit fatale qu’à l’universel féminin abstrait. Grâce à la psychanalyse, une femme est fatale à « La femme » qui n’existe pas.

Mais maintenant vient le difficile : « Quelles conséquences pour la cure ? ». Le rôle et la place du principe d’autorité dans la cure est atteint. On ne peut pas s’en tirer avec un supplément d’ordre ni avec des semblants pompeux. Nous sommes à l’époque où un Michel Onfray peut essayer de faire rire en appliquant à la psychanalyse le système délirant qu’il a mis au point dans sa lecture à ras de terre des philosophes les plus divers. Comment cette boussole affolée, particulière à l’époque, permet-elle néanmoins de conduire les cures ? La question se pose en partie double. C’est pourquoi, dans le Journal des Journées 78, Jacques-Alain Miller interrogeait : « Comment un psychanalyste qui ne saurait pas s’orienter dans la société où il vit et travaille, dans les débats qui agitent celle-ci, serait-il apte à prendre en charge les destinées de l’institution analytique ? Rien de plus actuel que la grande idée que Lacan se faisait du psychanalyste en 1953 (c’était avant d’avoir dû en rabattre, vu son expérience des psychanalystes effectifs), et l’injonction qu’il lui adresse (Ecrits, p.321) : « Qu’il connaisse bien la spire où son époque l’entraîne dans l’œuvre continuée de Babel, et qu’il sache sa fonction d’interprète dans la discorde des langages. » (…) Puisque la psychanalyse est au 21e siècle une question de société, un problème de civilisation, il y a un choix forcé (…) Cela veut dire : témoigner en acte de notre position, comme psychanalystes, non pas seulement dans « la cure », mais dans « la cité ». ». C’est à partir de son ancrage dans le nouvel ordre symbolique que l’analyste saura faire usage des signifiants maîtres pour pouvoir occuper la place d’un partenaire qui a chance de répondre. Il lui faut tenir compte des impasses de la civilisation, ce que Lacan appelle en 1953, la discorde des langages.

Dimanche dernier, lors du Forum je soulignais comment Lacan situait la place du psychanalyste au regard de « la politique de la névrose ». Alors que les autres discours, spécialement la religion, n’ont compté que sur le Nom du Père, la psychanalyse a ajouté le phallus. Or « s’il y a quelque chose qui caractérise le phallus [c’est] d’être assurément ce dont ne sort aucune parole ». Et au sein même de l’équivalence entre Phallus et Nom-du-Père lorsque l’hystérique contemporaine appelle le Père : « ce dont il s’agit c’est que quelqu’un parle ». Ainsi définie, cette fonction du père devient « produit du discours analytique ». Comment, dans la discorde de l’ordre symbolique contemporain, rester le partenaire qui a la chance de répondre dans la cure ? Voilà l’enjeu du brainstorming du jeudi. 20 personnes ont été sollicitées pour s’essayer à répondre selon leur point de vue singulier, durant cinq minutes chacune. Pas de neuroimaging, du brainstorming, c’est-à-dire un échange d’idées rythmé, après un exposé d’orientation.

A lundi.
Eric Laurent, 16 avril 2010.

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Liste des intervenants à la séance de Brainstorming
Jeudi 29 après midi

ALVARENGA Elisa (EBP)
ARENAS Alicia (NEL)
AROMI Ana (ELP)
BRODSKY Graciela (EOL)
BROUSSE Marie-Hélène (ECF)
CHAMORRO Jorge (EOL)
CUÑAT ARIAS, Carmen (ELP)
FREDA Francisco-Hugo (ECF)
GALIMBERTI Fabio (SLP)
GOLDENBERG Mario (EOL)
LAURENT Dominique (ECF)
LAZARUS-MATET Catherine (ECF)
LEGUIL François (ECF)
NAPARSTEK Fabian (EOL)
NEMIROVSKY Frida (EOL)
SELDES Ricardo (EOL)
SOLANO Esthela (ECF)
STEVENS Alexandre (NLS)
TARRAB Mauricio EOL)
ZACK Oscar (EOL)

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