Sous cet éclairage du titre « Semblants et sinthome », je propose de réactualiser la question freudienne : Que veut une femme ?

“Semblants et sinthome”, voilà donc la réalité fractionnée en deux parties de nature différente, marquées par la distinction du pluriel qui s'oppose au singulier.

Cela pourrait nous rappeler Socrate s'adressant à Théétète : “Sans doute donnons-nous aux sensations des noms. (...) ; mais, tandis que, de celles qui n'ont pas de nom, il y a une infinité, très nombreuses seulement sont celles qui ont été dénommées” [1]. Mais cette façon d'exclure le sinthome de l'ensemble des semblants nous amène plutôt à relire quelques passages du Livre III du Séminaire : “Préalablement à toute symbolisation - cette antériorité n'est pas chronologique, mais logique - il y a une étape, les psychoses le démontrent, où il se peut qu'une part de la symbolisation ne se fasse pas. Cette étape première précède toute la dialectique névrotique qui tient à ce que la névrose est une parole qui s'articule (...). Il peut ainsi se faire que quelque chose de primordial quant à l'être du sujet n'entre pas dans la symbolisation, et soit, non pas refoulé, mais rejeté”[2].

De cette articulation, Lacan introduit la catégorie du réel, admettant la possibilité d'une Verwerfung primitive... “que quelque chose ne soit pas symbolisé, qui va se manifester dans le réel”[3].

Ne nous faut-il pas admettre une dichotomie fondamentale, d'origine, qui vaudrait pour tout sujet (névrosé, psychotique ou autre) ? D'un côté - la Bejahung - ce qui est soumis à la symbolisation primitive ; de l'autre, ce qui est tombé “sous le coup de la Verwerfung primitive”[4].

Et même, précise Lacan, “à l'intérieur de la Bejahung, il arrive toutes sortes d'accidents. Rien ne nous indique que le retranchement primitif ait été fait de façon propre”[5].

Or, la sexualité humaine a à se réaliser par et à travers la loi fondamentale de symbolisation, évidemment selon les trois registres de la Verdichtung, Verdrängung, Verneinung, lesquels ne solutionnent en rien la recherche du sujet quant à l'objet de son désir.

Plus que cela, Lacan nous le dit : “Même quand on fait quelque chose qui réussit, ce n'est justement pas ce qu'on voulait. Il n'y a rien de plus déçu qu'un monsieur qui arrive soi-disant au comble de ses vœux”[6]. 

Apparait dans le réel “autre chose” que ce qui est recherché par le sujet, “autre chose” que ce vers quoi il est “conduit par l'appareil de réflexion, de maitrise et de recherche qu'est son moi”. “Autre chose” qui peut surgir : pour l'Homme aux loups, sous la forme d'une hallucination ; pour Schreber, sous la forme d’un délire éminemment construit [7].

“Autre chose” ? N'est-ce pas là dénomination pour dire l'au-delà, ou plutôt l'en-deça, de toutes sortes de choses aliénantes, en tant que référées au langage rejetant une parole primordiale qui n'a pas eu lieu d'existence symbolique et devient - inconscient réel - “matrice sinthomatique” ?

Notamment pour une femme, sujet féminin, envisageons l'exclusion d'un signifiant dans “des ténèbres extérieures, signifiant qui manquera dès lors à ce niveau d'exclusion d'un dedans primitif qui n'est pas le dedans du corps, mais celui d'un premier corps de signifiant où se constitue le monde de la réalité”[8]. 

L'hypothétique perception, la Wahrnehmung, position première dépourvue de mot, se passe alors, sans que puisse s'établir le signifiant ordonné secondairement à l'apparition du signifié [9].